Expertise
L’article L. 2511-1 du Code du travail prévoit que l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux.
Dès lors, l’attribution par une entreprise à des salariés d’une prime au seul motif de la non-participation à une grève est illicite en ce qu’elle constitue, à l’égard des salariés grévistes, une mesure discriminatoire prohibée.
On ne peut déduire de ce principe que toute attribution de prime exceptionnelle à des salariés non-grévistes est interdite.
C’est ce que vient rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2024 (Cass. soc. 3 avril 2024, n°22-23.321) en jugeant que ne constitue pas une mesure discriminatoire l’attribution à certains salariés non-grévistes d’une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail.
Il appartient à l’entreprise qui verse une telle prime de démontrer que son attribution est bien attachée à un réel surcroît de travail des salariés non-grévistes ou à l’exécution de tâches ne relevant pas de leurs fonctions (Cass. soc. 3 mars 2009, n°07-44.576). Si cette condition est remplie, l’attribution d’une telle prime est alors étrangère à l’exercice ou non du droit de grève, elle ne récompense pas la non-participation à la grève et échappe ainsi au grief de discrimination.
Afin de faciliter la preuve de cette condition, l’entreprise pourrait être conduite, si le contexte le permet, à conclure des avenants temporaires aux contrats de travail de certains salariés non-grévistes afin de définir les tâches supplémentaires ou exceptionnelles à accomplir durant la grève, justifiant l’octroi d’une prime. Mais ce formalisme demeure facultatif.
Rappelons, également, que l’employeur est en droit de pratiquer une retenue sur le salaire des salariés grévistes, laquelle doit toutefois demeurer strictement proportionnelle aux périodes non travaillées et ne doit pas faire référence, sur le bulletin de salaire, à la participation à une grève (art. R. 3243-4 du Code du travail).
De même, l’employeur peut tenir compte des absences motivées par la grève, pour le non-paiement d’une prime, mais à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution (Cass. soc. 7 nov. 2018, n° 17-15.833).